INSULAE
Recherche autour de la villa
Le Brésil des années 70 nous confronte directement avec le thème de la dictature militaire qui prend place de 1964 à 1985, dans ce contexte instable, de nombreux architectes, politiques, artistes, tant que la population en général sont contraints à l’exil. Villanova Artigas se réfugiera ainsi en Uruguay pendant deux ans.
A son retour Artigas cultive son attachement politique au communisme et défend ses valeurs. Il trouve selon ses mots dans l’utilisation du béton brut une manière de rééduquer la bourgeoisie. Inspiré par le Corbusier ou Franck Lloyd Wright, il s’inscrit sans conteste dans le mouvement moderne, tout en lui insufflant une dose de « tropicalisme », courant alors en vogue qui fait la synthèse entre un attachement culturel régionaliste voir vernaculaire et un regard tourné vers l’avenir et les influences internationales. C’est dans le contraste entre cette architecture brutaliste et la végétation luxuriante que l’architecture moderniste brésilienne puise une de ses grandes forces.
Si l’image de l’architecture de Villanova Artigas n’a pas eu à souffrir, sa personnalité interpelle; sa position équivoque entre un communisme revendiqué et une conciliation avec les pouvoirs publics en place et la bourgeoisie. Par ailleurs Il conçoit des bâtiments opposés à la force de gravité, révélant ainsi une confrontation entre le bâtiment et la terre, l'artefact et la nature, révélant une forme de contestation de l’état de fait.
Son projet de 1975 des Balnéario de jau, évoque une fois de plus cette ambigüité entre une architecture à vocation de loisirs populaire, que sont les bains, et la réponse à une commande public, perçue par ses détracteur comme une quasi propagande au service du régime.
Le fragment d’image, point de départ du projet, amène l’idée d’un ouvrage inachevé, interrompu, mais évoque aussi cette forme de pesanteur et d’absence, révélatrice de ce qu’on qualifiera « d’années de plomb ».
La villa sera vue comme un endroit refuge, un lieu de ressourcement collectif. Elle offrira un lieu, pour un droit momentané ou définitif à l’oubli au sens large du terme. S’y retrouveront artistes, dissidents politiques, intellectuels ayant l’urgent besoin d’un lieu à l’écart. Elle aura une surface visible et un espace caché, dans une forme de dualité. Cette tension pouvant se traduire par la conservation de soi (plaisir mêlé de crainte d'avoir échappé à un danger). Cela est définit par Edmond Burke comme le delight, forme d’horreur délicieuse.
Cette villa cultivera les notions de mystère et de secret. Loin de la ville, loin des regards, lieu d’expression libre et sans crainte, comme un retour à la qualité première de la villa, celle du ressourcement. Les thèmes de la nature et du bain viseront à donner une qualité supérieure au cœur de la villa, favorable à la détente, l’échange, la réflexion, ou la contemplation.
Ces lieux d’oublis formes d’hétérotopies, auront toujours une raison d’être, car comme le dit Nietzche « l’homme ne peut vivre sans oubli », mais aussi car ces lieux « protégés » encouragent et cultivent une forme de contestation dont le monde aura toujours besoin.
Villa d’artistes, villa de réfugiés, villa d’exilés… l’exemple récent et particulier des lanceurs d’alertes prouvent l’intérêt et l’actualité ce genre de villas.