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Les Jardins Royaux de Nérac (Lot et Garonne) bénéficient d'un cadre ( bord de rivière, chemin de halage, proximité du château de Nérac...) et d'un passé historique ( Renaissance, Révolution...) exceptionnel. Ce projet répond à la demande de la municipalité qui souhaite faire de ce lieu un espace fonctionnel et socialisant par la création d'un escalier, l'aménagement d'un chemin de halage et la mise en place de jardins familiaux. Ces trois espaces créeraient une transition progressive entre la ville et la campagne environnante. Par conséquent comment l'aménagement contemporain d'un espace public peut contribuer à mettre en valeur un patrimoine?

Il s'agit donc de créer un lien non seulement entre la société, la culture et ses traces matérielles, mais aussi entre les divers aspects de l'aménagement qui se doit d'être intégré de façon cohérente.

 

L'ESPACE PUBLIC

 

a- Qu'est-ce que l'espace public? « Un espace partagé »

 

L'espace public, comme le dit Jürgen Habermas par opposition à l'espace privé, clôturé et centré sur l'intimité familiale, est un espace ouvert que l'ensemble de la collectivité a en partage. Lieu de rencontre par excellence, il est le théâtre du libre va et vient des individus. Il s'agit d'un espace dédié à des activités variées de passage, de détente ou de loisir, qui ne sont pas nécessairement explicitement définies : Chacun est libre d'y faire ce qu'il veut dans les limites de la loi. L'espace public est un espace ouvert c'est à dire où la circulation se fait sans entraves, composé aussi bien d'édifices que d'espaces verts que peuvent être les jardins. L'espace public est aussi ouvert au sens où il est libre d'accès, gratuit et fréquentable par tous. Cette idée de partage spatial implique l'idée de partage de culturel ou historique. Jane Jacobs disait que c'est le souvenir d'élé- ments intéressants qui rend la ville intéressante, dans le même esprit Robert de Souza dit tout ce qui caractérise une cité doit mériter le plus grand soin. Le projet devra donc établir une alchimie entre intérêt et soin apporté à l'espace existant.

 

b- Quel rôle attribuer à l'espace public? « Un élément structurant de l'espace urbain »

 

L'espace public est constitutif de l'espace urbain, un élément de structuration. Il assure une transition entre deux espaces, ici ville et campagne. L'espace public est aussi un facteur fondamental de cohésion sociale, il s'agit d'un espace de médiation des rapports humains, lieu de rencontre et d'interactions sociales.

 

Un lieu de représentation, de mise en scène de la vie de la collectivité. L'espace public est enfin un élément constitutif de l'image de la ville. Par son aménagement, il met en scène l'identité historique, culturelle ou paysagère de la ville. C'est aussi un lieu de représentation au sens où il est le théâtre d'une dynamique de ville: des interactions des individus entre eux mais également des individus avec leur espace qu'ils s'approprient (Richard Sennett). Ce rôle structurel de l'espace public va permettre de faire le lien entre le centre-ville et les berges de Baïse et par la même occasion de recréer des liaisons historiques entre les espaces et favoriser les liens entre les individus.

 

TROIS ESPACES POUR LA MISE EN VALEUR DU PATRIMOINE

 

a- L'Escalier « Patrimoine historique »

 

Il s'agit de la recréation d'un escalier entre le centre-ville et le chemin de halage comme c'était le cas au XVI° siècle. On a ici une contrainte d'urbanisme qui est de relier ville et jardin ce qui participe à l'évocation du patrimoine culturel du site. Benja- min nous dit que l'architecture de façon générale est gérée par un espace-temps présent. Ainsi, elle garde les traces d'un passé historique et se donne entièrement à l'exploration de nouvelle tendances. Comme la mode, (comparaison qu'affectionne Benjamin), l'architecture regarde l'histoire et la reconfectionne constamment. Le futur architectural porte toujours une trace de son passé, puis de son futur, qu'elle soit morphologique ou formelle. Ce passage sera donc un espace de croisement entre les individus qui se donneront à voir mutuellement, ceci renforcé par la situa- tion dominante des personnes qui empruntent l'escalier par rapport à autrui et inver- sement. Cela crée un rapport visuel voir physique entre les individus. Aussi le fait que la création de l'escalier vienne se faire sur un corps ancien amène à nouveau la notion de passage cette fois-ci temporel, qui montrera deux époques différentes exerçant toutes deux un rapport l'une sur l'autre. A terme l'idée pourrait être d'arriver à une quasi assimilation de l'escalier, une sorte « d'union » créé par un dialogue fort entre les deux éléments architecturaux.

 

b- Chemin de Halage « Patrimoine naturel »

 

La réhabilitation du chemin de halage qui longe la Baïse. L'idée est ici de créer une liaison douce entre l'escalier et les jardins familiaux. Les jardins et les places apparais- sent dès le milieu du XVIIIe siècle plutôt favorables à des contacts brefs entre les gens qui se croisent lors de promenades publiques (Sennett, La tyrannie de l'intimité, 1979, p.76). Inaugurée au siècle précédent, l'institution de la promenade se cristallise au début du XIXe siècle sous la forme achevée de la flânerie. Flâner ayant le sens de marcher çà et là, de se promener, gentiment, sans autre ambition que de passer le temps, en s'abandonnant à l'impression et au spectacle du moment. Or, l'action de flâner renvoie à celle de lanterner, terme synonyme que l'on emploie au XVIIIe siècle pour décrire les promenades des aristocrates sous la lumière des lanternes.

 

Une fabrique de jardin tel que celle des Bains du roy [ milieu XVIème siècle] est une petite construction à vocation ornementale prenant part à une composition paysagère au sein d'un parc ou d'un jardin. Elles servent généralement à ponctuer le parcours du promeneur ou à marquer un point de vue pittoresque. Prenant les formes les plus diverses, voire extravagantes, elles évoquent en général des éléments architecturaux inspirés de l'antiquité, de l'histoire, de contrées exotiques ou de la nature. De véritables parcs à fabriques voient le jour au cours des XVIIIe et XIXe siècle.

 

Certains chercheurs ont suggéré que le Jardin du Roy serait une transcription, dans un espace réel, de l’Hypnerotomachia Poliphili écrit par l’italien Francesco Colonna (1433-1527). Publié en 1499 puis édité en français en 1546, cet ouvrage a connu un immense succès. Dans la tradition du Roman de la Rose, ce livre – allégorique et initiatique – relate le songe de Poliphile dont il décrit la quête amoureuse : le héros doit faire face à différentes épreuves avant de retrouver sa bien-aimée Polia. Les 200 estampes qui l’illustrent ont contribué à la diffusion de modèles pour l’aménagement des jardins : pergolas, fontaines, pavillon des bains, labyrinthes...

 

Cette idée de mise en valeur des points de vues et de poésie architecturale sera le point d'orgue du projet

 

Ici le but serait justement de permettre la promenade, la flânerie anonyme ainsi que le déplacement «utile» pour ce rendre aux jardins. Mais aussi de permettre la rencontre et par la même une socialisation des gens entre touristes et habitants de la commune. Ceci par l'élaboration d'endroits de pause, d' échange, de discussion d'ob- servation voir de contemplation... Cela favorisé par l'environnement positif essentiel- lement végétal et minéral du lieu, qui impose calme et sérénité. La difficulté ici est le patrimoine végétal, comment garder cet esprit de « bout de nature vierge » tout en développant une infrastructure fonctionnelle?

 

c- Jardins Familiaux « Patrimoine social et agricole »

 

La création de jardins familiaux se fera autour d’une thématique historique visant à « évoquer » le jardin Renaissance. Les jardins familiaux constituent un milieu favorable à des espèces communes qui composent notre biodiversité : c’est ce que l’on appelle la nature ordinaire. A ce titre, le choix des essences structurant l'espace sera important. Le fait d’utiliser ce genre de plantes permet de contextualiser le jardin dans la région où il se trouve, à savoir une région rurale et ancrée dans la culture de la terre. C’est aussi une manière pour les utilisateurs de ce lieu « jardin pour les habitants » de s’identifier concrètement au présent et passé agricoles de leur région. L’idée est d’introduire une « conscience écologique » au travers notamment des espèces végé- tales et des matériaux utilisés . Mais aussi Introduire une « conscience esthétique » de la charge patrimoniale des lieux et définir un vocabulaire, des matériaux, une palette végétale,...une ambiance naturelle et rurale, qui fasse «résonner» la convivialité du lieu. Ici on a donc un dialogue entre la culture voir l'agriculture et la nature. Culture et Agriculture ont en latin la même racine qui est de « prendre soin », ce qui rejoint l'idée de conscience écologique. Distinguer nature et culture, c’est distinguer ce qui est inné (nature du verbe natus participe passé du verbe naître) et ce qui est acquis. Tandis que la « nature » se transmet par « hérédité » la culture se transmet par « l’héritage social » par des modèles. La culture s’ajoute à la nature. La culture au sens anthropologique désigne l’ensemble de l’héritage social , on comprend bien alors le rôle social de la culture puisqu’il amène l’échange de savoirs. Aussi ce projet pose le problème de la propriété, effectivement comment permettre aux utilisateurs des parcelles de s’approprier cet espace au sein d’un espace public? On est en présence d'un rapport « Intime/Extime » entre espace public et privatif qui fera appel à la notion de frontière. Le fait même que la terre soit partagée, sous forme d’unité donne une une certaine égalité voir équité entre les individus, la nature est ici partagée pour un bien et un plaisir commun.

 

CONCLUSION

 

Le rôle social de ces espaces permettra la création d'un mieux vivre ensemble au sein de la ville. L'esthétique du projet provoquera la contemplation du spectateur. L’émotion esthétique ne se ramène ni à un plaisir sensualiste ni à la simple reconnais- sance d’un ordre rationnel, d’une logique cachée, le beau est ce qui plaît de manière désintéressée, mais n'empêchera pas ce lieu de remplir son rôle fonctionnel. Un équilibre entre création et beauté naturelle du lieu sera ainsi établi. L'ensemble du projet sera un travail sur la transition historique, physique ou simplement géographique.

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