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"LA DÉCONNEXION, OU L'HISTOIRE DE L'AUTONOMIE ÉNERGÉTIQUE"

AMC, décembre 2010-janvier 2011/n°202/p54-56. Par Fanny Lopez.


Depuis les années 2000, le concept d’autonomie énergétique est valorisé par les gouvernements. L’idée d’autonomie énergétique née à la fin du XIX éme siècle, connaît son heure de gloire dans les années 70 mais sans projets convaincants. Aujourd’hui le thème reprend une certaine actualité, comme le montre la multiplication de concours d’architecture sur le sujet. Cependant en France le thème est plus rarement abordé, les seules maisons dites autonomes étant encore dépendante d’un réseau, fonctionnant sur le système de vente/rachat.


Au XIXéme siècle, l’idée d’autonomie énergétique se fonde principalement sur des considérations techniques et scientifiques. Une utopie comme réponse à la généralisation de la distribution énergétique par connexion. Une série d’architectes et scientifiques, tels que Thomas Edison (1912) ou Adolphus Etzler (1840) seront les pionniers On retiendra le Dymaxion de Buckminster Fuller, qui en dehors de se prototypes dès 1950 qui a l’idée de concevoir un système dans lequel nous vivons comme un tout inter-relié, la terre comme un vaisseau spatial, ou elle n’est pas seulement un tout mais fonctionne comme une machine, dont des pièces peuvent être changées. C’est en 1960 qu’il propose la théorie du « world game » conçu comme une approche scientifique englobante. Il avance dès lors sa vision globale et de l’intêret de proposer des solutions à grande échelle et non plus au niveau seulement de la cellule d’habitation ou de la ville. C’est en ça que la vision de Buckminster Fuller est moderne. Dans le monde de l’architecture l’autonomie énergétique fut souvent réduite à la seule contestation radicale et politique. Cette autonomie a pour image archétypale, l’enclave de verdure qui s’oppose à la ville. On observe une rupture entre La vision des années 70 et actuelle, par le fait que le renouveau de l’idéal vert se fait par la connexion et non plus par l’isolement. Ainsi l’image caricatural de la maison isolé à fait passer à la trappe des questionnement beaucoup plus complexes au niveau économique et des modes de consommation, plus large que l’opposition classique entre maison et ville ou connexion-partage contre déconnexion-isolement.


L’essore de la thématique débute avec la crise des années 60 renforcé par l’amélioration de la technologie, puis arrive à maturité au cours des Années 70/80, en particulier avec le premier choc pétrolier de 1973. La réflexion sur l’autonomie énergétique est influencé par la contre-culture Américaine, ce mouvement s’empare ensuite de l’Europe, on passe dans le même temps de l’unité domestique à une échelle plus large qu’est la ville et son territoire , ce sera aussi l’amorce d’un changement du rapport entre architecture et technologie domestique. Se démarque donc à cette époque deux grands courants. Le premier traditionnel basé sur des considérations techniques, expérimental, outillé et structuré, inséré au système de production existant. Le second basé sur les auto-constructeurs avec une volonté de démission vis à vis de la société post-industrielle.

Durant le milieu de années 70 un mouvement international subsiste, et sera marqué par la création de projets entièrement autonome, en énergie et en nourriture. Mais cette idéal de déconnexion totale n’est pas adapté au milieu urbain, seulement envisageable en cas de crise économique ou écologique avancées. Ainsi la pluparts de ces projets sont inachevés basés uniquement sur la technique pour certain, et donc pas économiquement viable, tandis que d’autres résultants d’auto-constructions offrent des performances moyennes.


Ainsi les services traditionnels offrent à l’époque une réponse plus satisfaisante pour le moment profitant de réseaux déjà en place et d’économie d’échelle. Cependant les modèles autonomes peuvent s’avérer compétitifs pour des zones non raccordées. C’est d’ailleurs toujours un frein actuel car les réseaux en places offrent une qualité de distribution importante, et une gestion des pics de consommation favorable, ce qui pourrait bien changé avec des solutions altérnatives, est ce que la population est prête à ce changement ? Car nous profitons actuellement d’un niveau de confort énergétique sans précédent. S’ajoute à cela la pression fiancière, du fait du quasi monopole exercé par les fournisseurs de gaz et électricité.

La réduction des coûts dépend donc de l’avancée technologique et de la production en masse des composants. A cela s’opposent le choix de l’énergie nucléaire, et la pression de lobbies qui empêchent l’émergence de nouvelles technologies. Aussi s’ajoute la difficulté d’avoir une vision globale qui sera à la fois technique, urbaine, économique et sociale. Cependant émmerge depuis 1980 l’idée d’un développement durable et s’inscrit depuis 2000 dans les programmes institutionnels. Cependant l’expression développement durable est une expression quelque peut « fourre tout » qui tend à être galvaudé. Le manque de définition du terme ne permet pas toujours un débat fertile, chacun ayant sa propre vision du développement durable, dont la dimension de développement est d’ailleurs contestée par les adeptes de la décroissance. Certain préfère donc le choix du terme écologie qui étymologiquement ramène à la science de l’habitat.


Les gouvernements tentent ainsi de modifier leurs stratégies énergétiques mais sans revenir sur les bases de fonctionnement. Seul l’accent sur l’écologie semble être mis. Il existe bien sûr un rapport ténu entre autosuffisance et écologie, mais la seule technique ne garantira pas l’autosuffisance. Il faut pour cela une approche globale tant environnementale, économique que sociale. C’est aussi l’avis de Franck Boutté qui pousse chacun à réfléchir différemment, construite du neuf avec de bonnes performances ne sert à rien s’il ne produit pas des effets sur l’existant, et dynamise l’économie, "Il faut prendre le temps, notamment pour évaluer les expérimentations", affirme Franck Boutté... alors même qu'il y a "urgence" à répondre à la crise énergétique. Une équation insoluble ? A chacun son rôle, pourrait-on dire. Pour l'architecte-ingénieur, ce rôle expérimental, dans le domaine de l'efficacité énergétique, pourrait être dévolu aux programmes de construction neuve, mais dans une logique de mise en réseau. Il explore la notion de "service rendu" d'un bâtiment hyperperformant, type Bepos, à son environnement, pour tendre vers un Tepos (territoire à énergie positive). "La seule performance qui vaille, c'est celle qui est partagée", lance-t-il. Philippe Villien, lui, distingue plutôt le privé du public. Pour cet architecte-urbaniste, ce sont les équipements publics qui doivent contribuer "rapidement" à la transition énergétique.


Aujourd’hui le terme d’autonomie énergétique est accepté, semblant ne plus avoir à souffrir de son image réactionnaire. Ainsi plusieurs projets auto-suffisants voient le jour, dans les villes d’Alès, de Montpellier, de Nice et même aux Emirats Arabes Unis en chine ou en Afghanistan. La ville de Güssing en Autriche est déjà énergétiquement autonome. Cependant le pouvoir des mutations structurelles induit n’est pas exploité, préférant plutôt une mise en avant de l’ambiance et de la protection de l’environnement. D’autant plus qu’il s’agit le plus souvent d’expérience à l’échelle régionale qui comme le dit Marie-Claire Cailletaud, responsable énergie-industrie de la Fédération nationale des mines et de l’énergie à la CGT lors d’une d’une conférence du think tank Passages / Adapes, peuvent amener de nouvelles problématiques : "Dans le débat national sur la transition énergétique, on parle beaucoup de l’autonomie régionale, c’est un leurre ! (…) C’est un choix qui rendrait caduques la péréquation tarifaire et le soutien entre les régions." La péréquation tarifaire est une spécificité française qui impose que le prix de l’électricité pour les particuliers soit le même sur tout le territoire, quels que soit l’éloignement des centres de production et la quantité d’électricité consommée. "A la sortie de la guerre, le législateur a adopté la péréquation tarifaire pour que tous aient accès à l’électricité. Le système a bien fonctionné. Faisons attention à ne pas tout perdre dans l’utopie du chacun pour soi", confirme Michel Derdevet, secrétaire général d’ERDF, la filiale d’EDF en charge du réseau de distribution électrique français. Et d’ajouter : "Ce n’est pas par un repli sur soi, sur son éolienne ou sur son panneau photovoltaïque, par le rêve de l’autarcie qu’on s’en sortira aux niveaux français et européen."

Le problème de la gestion à un niveau local, et de la création d’eco-quartier en périphérie des villes, si elle simplifie la mise en place d’un point de vu technique, ne semble pas fonctionner totalement comme c’est le cas à Grenoble avec l’éco-quartier de Bonne. Le résultat final plus que mitigé et surtout la colère des habitants, laissent penser qu’à l’image des premiers programmes de logements sociaux d’il y a plusieurs décennies, construits avec la même bonne volonté mais mécaniquement et au rabais, ces premiers éco-quartiers cherchent aussi à répondre aux besoins de leur époque, mais pêchent par le fait qu’on ne sait pas encore bien les faire, ou qu’au moins on ne sait visiblement pas s’assurer que les entrepreneurs respectent bien le cahier des charges.


Ansi l’autosuffisance à l’échelle des villes semble encore difficile à cause de la complexité du maillage existant, même si des techniques nouvelles voient le jour comme la phytoépuration ou la géothermie. C’est ainsi que Pascale Gontier parle « Symbiocité », en prônant l’accumulation de points énergétiques reliés entre eux fonctionnant comme un écosystème. Aussi l’idée d’un revenu vital par bâtiment permettant l’existence d’une micro économie faisant le lien entre privé et public est peu mise en avant. Pouvant permettre de renouer ainsi avec la vision économique et sociale de années 70 qui manque à la pluparts des projets. Dans le même esprit Jean Haëntjens parle lui de ville frugale ‘’Le passage à un mode plus frugal n’a de chance d’être réussi que s’il résulte d’une réflexion globale sur l’usage des ressources disponibles, que par une miraculeuse révolution technique, qui résoudrait simultanément tout les problèmes. Les technologies de base de la mobilité urbaine, le vélo, tramway, on été inventé il y a plus d’un siècle, il certes possible de les améliorer, mais l vraie question est celle de leur bon usage ou de leur utilisation combinée. L’innovation est plus à chercher du côté de la combinaison nouvelle de technologies existantes que d’une révolution technologique majeur. Pour que cette combinaison nouvelle puisse se produire il faut agir sur plusieurs leviers en même temps habitat, transport, urbanisme, tarification…mais aussi mobiliser de multiples acteurs. Le défi est donc avant tout d’ordre organisationnel et politique.


D’autres modèles de villes semblent donc possible, il apparaît que la prise ne compte du côté social sera une des clés de réussite vers des villes si ce n’est autonome, raisonnables d’un point de vue énergétique. L’architecture dite participative, dont les pionniers sont Lucien et Simone Kroll en Belgique, suivi en France par Patrick Bouchain réfléchissent à l’implication de la population dans le projet architectural, s’ensuit une meilleure compréhension, et par la suite un meilleure investissement de la population dans la ville ou le quartier.


Aussi il apparaît que seule manière de parvenir à un développement durable est de remettre totalement en question le système économique actuel. Pour Eric Lambin de L’UCL Vouloir préserver son intégrité tout en assurant une transition vers la durabilité énergétique paraît de plus en plus illusoire. ‘’Maintenir une croissance économique de 3 à 4% n’est pas tenable sur le long terme, la dégradation effrénée de la biosphère le prouve! En parallèle, je ne crois pas non plus que les solutions avancées par les tenants de la décroissance soient applicables à l’échelle mondiale. Comment peut-on convaincre des pays comme la Chine, l’Inde ou le Brésil de freiner leur croissance alors qu’ils aspirent très légitimement au mode de vie qui a été le nôtre et que nous avons promu depuis plus de deux siècles? Bien sûr, il serait envisageable de réduire la croissance des pays riches au profit d’un meilleur partage des ressources disponibles au niveau mondial. Mais je doute sincèrement qu’un tel scénario se mette en place, tant il serait difficile d’y faire adhérer les acteurs clés de l’économie mondiale. ‘’ Cela montre que politique et écologie sont plus que jamais liés et que les efforts écologique, dans une économie mondialisé qui ne permet pas de relâchement, nous sommes au contraire dans une recherches de production grandissante, pour satisfaire une demande elle aussi grandissante. Ce model qui fonctionne à flux tendu, bloque l’émergence de solutions énergétique, car on ne tolérerai pas une réduction d’activité dû à un nouveau model énergétique. Nous sommes donc dans un cercle vicieux où l’on n’a pas le temps de…même si l’énergie coûte de plus en plus chère tout en accentuant notre dépendance. Si il n’y a pas de changement politique, donc seule l’idée d’un ralentissement économique dû à une pénurie énergétique, paraît pouvoir enrayer la machine et donner une chance à de nouveaux modèles énergétiques.



On le sait L’autonomie énergétique n’a jamais autant été d’actualité, à l’heure de la flambée des prix de l’énergie et du contexte politique délicat des principaux fournisseurs, mais aussi par la tentation grandissante pour le gaz de schiste par exemple, qui pour ses défenseurs permettrai de gagner en indépendance énergétique comme le font les Etats-Unis actuellement. Se pose quand même un problème d’ordre écologique et cette solution ne pourra pas gagner sur le long terme, tôt ou tard la problématique de l’épuisement des ressources pointera son nez. D’autant plus que ce genre d’énergie semble être un moyen d’assurer notre besoin dévorant d’énergie, mais ne semble pas répondre au problème de base qui est justement cette surconsommation et ce gaspillage.


L’autonomie énergétique est donc un thème autour duquel gravite des notions diverses tel que développement durable, écologie…tout ces termes ayant en commun l’idée de réduire notre consommation énergétique et de limiter notre dépendance. C’est aussi l’occasion d’une réflexion sur nos modes de consommation, car sans réduction raisonnable de celles ci, un modèle écologique n’a pas de sens, c’est un nouveau modèle de société qui est proposé. Au delà de ça je vois un risque dans le développement de modèle Comme le BBC Allemand ou les fenêtres doivent rester fermées sous peine d’amendes, Il ne faudrait pas tendre vers la dictature verte. Ceci est peut être la démonstration qu’il y a un décalage entre la population et la technicité des bâtiments, certain y verront l’ego de municipalité ou d’architectes, il n’en reste pas moins qu’il paraît difficile d’imposer un modèle de vie à une population. Vient donc l’idée de juste milieu, ni dans la débauche de technique onéreuse et rigide de limitation de la consommation énergétique, ni dans la surconsommation délibéré de cette dernière. Une sorte de retour à une logique constructive dans un premier temps, qui optimise les performances des bâtiments, couplé à l’utilisation de nouvelles technologies du bâtiment peu couteuses. Cette réponse est un modèle qui peut dors et déjà fonctionner et dès à présent en architecture, dans l’attente d’une réponse globale et non précipité au problème de l’énergie à l’échelle de la ville et national. Par ailleurs il paraît important dans ce système d’introduire la notion de «juste performance», cette manière de réfléchir le projet et travailler à bilan ouvert. Car on ne donne jamais les bilans écologiques totaux (de A à Z). Par exemple: fabrication des matériels (panneaux solaires ou éoliennes), énergies nécessaires, matières premières, ressources, matériels de montage, d'installation, production, transport, stockage, durée de vie, démantèlement, remplacement, ... Il faut absolument ces données pour avoir un avis éclairé et juste et ainsi sortir du flou qui gravite autour de la construction écologique.




BIBLIOGRAPHIE


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L’UTOPIE DE L’AUTONOMIE ENERGETIQUE . TRAN, Magalie, http://www.usinenouvelle.com/article/des-experts-alertent-sur-l-utopie-de-l-autarcie-energetique.N198257 [page consultée le 08/05/2014].




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